Immigration et clandestinité à Mayotte : situation actuelle et chiffres officiels

Immigration et clandestinité à Mayotte : situation actuelle et chiffres officiels

Mayotte, le département français de l’océan Indien, est actuellement au cœur d’une intense polémique sur l’immigration et la clandestinité. L’île subit une forte pression migratoire, illustrée par des chiffres qui cachent une réalité plus complexe et moins connue qu’elle n’y paraît. Les flux continus de migrants comoriens mettent à mal les autorités locales et révèlent des tensions sociales et économiques.

Focus sur la situation actuelle de l’immigration et ses impacts socio-économiques

La question migratoire à Mayotte est un sujet vaste et complexe, qui a un impact direct sur la vie quotidienne de l’île.

Département d’outre-mer français à part entière, Mayotte subit une forte pression migratoire en provenance essentiellement des Comores. En 2023, près de 22 000 expulsions ont eu lieu vers les Comores, soit une baisse de 13,3 % par rapport à l’année précédente. Cette immigration clandestine s’explique par la recherche d’une vie meilleure et d’un accès facilité aux services publics (école, hôpital) qui peuvent être meilleurs à Mayotte qu’aux Comores.

Mais cette immigration crée aussi une pression énorme sur des infrastructures déjà peu développées et alimente les tensions entre les différentes communautés. La population étrangère devrait atteindre 55,8 % en 2024.

Les infrastructures mahoraises ne sont pas prêtes à faire face à cette augmentation rapide de la population.

Ainsi, dans le secteur scolaire, les nombreux élèves accueillis dans les classes rendent difficile la mission des enseignants et entravent la qualité de l’enseignement dispensé aux élèves mahorais. Le système hospitalier n’est pas non plus épargné : hôpitaux et cliniques doivent se préparer à recevoir un nombre croissant de patients, sans disposer pour autant de moyens supplémentaires adéquats pour y faire face.

Enfin, le logement constitue un enjeu majeur avec la montée en puissance des habitats précaires et informels, générant de nouvelles difficultés liées à l’urbanisme et à la salubrité publique.

Sur le plan économique, l’immigration clandestine a des effets ambivalents. D’un côté, elle participe à l’essor d’un marché du travail informel dans lequel les travailleurs sans papiers sont souvent exploités, rémunérés en deçà du salaire minimum et contraints d’accepter des conditions de travail précaires. De l’autre, il existe une certaine dynamique économique induite par cette immigration illégale notamment dans les secteurs de la construction, du commerce de détail ou encore de l’agriculture.

Néanmoins, malgré cette activité, le chômage reste élevé parmi les Mahorais (34%) générant des rancœurs qui ne sont pas sans conséquence sur le climat social.

Par ailleurs, 77% de la population vit sous le seuil de pauvreté. L’économie de Mayotte est en outre largement soumise à la dépendance du secteur public. Le PIB s’élevait en 2021 à 2,932 milliards d’euros. Autre préoccupation – et non des moindres – la violence dont une bonne part est le fait des mineurs et qui impose à l’Etat des actions systématiques pour ramener la paix.

Les flux migratoires et leurs dynamiques

La majeure partie des flux migratoires qui se dirigent vers Mayotte provient des Comores, dont les ressortissants traversent le bras de mer séparant les deux archipels en kwassa-kwassa, de frêles barques souvent surchargées.

Ces traversées sont d’une extrême dangerosité et s’expliquent par des facteurs économiques, sociaux et politiques favorisant l’immigration clandestine, mais aussi par la proximité géographique. Il est ainsi estimé qu’entre 70 000 et 100 000 étrangers en situation irrégulière se trouvent actuellement à Mayotte, augmentant considérablement la charge pesant sur les autorités locales.

Le gouvernement français a multiplié les initiatives pour tenter de contrôler ces flux, notamment en renforçant les contrôles aux frontières et luttant contre l’immigration illégale par l’intensification des patrouilles maritimes.

Cependant, ces efforts rencontrent de nombreux obstacles, la détermination des migrants n’étant pas la dernière d’entre elles. La question est d’autant plus complexe que les éloignements forcés sont en baisse même si ceux-ci ont lieu le plus souvent par centres de rétention. Les relations diplomatiques entre la France et les Comores étant parfois tendues, il est difficile pour le gouvernement français d’envisager une solution concertée et efficace.

Les réseaux de passeurs font également partie intégrante des dynamiques migratoires observées dans la zone, organisant et facilitant les voyages clandestins à destination de Mayotte. Ces réseaux criminels sont très bien structurés et difficiles à atteindre, la question se complique alors encore davantage. Ils constituent un élément moteur dans la continuité du phénomène observé, exploitant la vulnérabilité des migrants pour aller jusqu’à les inciter à renouveler leur tentative face au risque encouru. De manière plus générale, démographiquement parlant, Mayotte compte aujourd’hui 530 000 habitants (2018), ce qui devrait porter sa population à 760 000 habitants en 2050 avec une hausse significative (+43%) entre 2014 et 2024.

Conséquences sociales et perspectives politiques

Les conséquences de l’immigration sur la société mahoraise sont multiples, parfois conflictuelles.

La cohabitation entre Mahorais et migrants clandestins s’avère difficile, générant des tensions qui peuvent déboucher sur des violences. On a ainsi pu observer des mouvements de refus de l’immigration, voire de discrimination à l’encontre des étrangers, laissant entrevoir un climat social peu serein sur l’île. Cette tension est liée à la concurrence pour l’accès à des ressources rares mais aussi aux services publics rendus nécessaires par la forte augmentation de la population. Le budget public, croissant, témoigne en lui-même des problèmes à régler dans les domaines de la santé publique, de la sécurité, ou de l’intégration.

Mais outre les tensions sociales qui peuvent s’exprimer sur un registre plus ou moins violent, plusieurs enjeux sociaux se posent :

  • La surpopulation dans certains quartiers toujours plus envahis par les flux migratoires.
  • L’augmentation des besoins en éducation qui impose une pression accrue sur les écoles.
  • L’accroissement des inégalités économiques entre les résidents et les migrants.
  • Les problèmes de santé mentale engendrés par un environnement socio-économique porteur d’insécurité pour certaines populations

Il appartient dès lors aux autorités locales et nationales de faire face politiquement à ces défis. D’une part le respect des droits humains et d’autre part la nécessité d’assurer la sécurité et le bien être de tous les résidents de Mayotte ne facilitent pas le choix du décideur.

Certes des stratégies visant à améliorer les conditions de vie et faciliter l’intégration sont encouragées mais elles nécessitent pour réussir une volonté politique affirmée et surtout des moyens considérables.
Aux conditions difficiles du logement s’ajoutent en effet celles engendrées par les départs massifs vers la métropole notamment de la jeunesse mahoraise.

À long terme, seule une coopération régionale renforcée et des politiques migratoires cohérentes tenant compte tant des besoins de Mayotte que de ceux des pays d’origine des migrants permettront de résoudre les différentes problématiques liées à l’immigration à Mayotte. Le développement économique et social des Comores est un facteur qui pourra réduire les raisons d’émigrer, mais il nécessite pour être effectif un engagement international et des investissements importants. En attendant, Mayotte poursuit sa course dans des eaux troubles à la recherche de solutions durables à un problème complexe et urgent. La très faible acceptation des demandes d’asile et la vision long-terme nécessaire illustrent l’urgence d’une approche plus stricte mais humaine du phénomène de l’immigration clandestine dans l’île.

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